1er Décembre, heureux élu du premier soir à la loterie du Fooding 2009. J’ai attendu 20 heures, prés du fantôme des halles, pour pénétrer dans le ventre de Paris et y manger le soupé du cuisinier masqué.
Crème de potimarron avec gingembre, vanille, noisettes et châtaignes.
Un potimarron presque nu, pudique et discret se voile sous un nerf de gingembre, sous un souvenir de vanille. La crème nous dévoile un potimarron si délicatement assaisonné qu’il porte en lui quelque chose d’élémentaire, d’étrangement lacté et céréalié, comme une nourriture de notre première enfance. Tombés dedans, quelques éclats d’épices, de châtaignes et de noisettes viennent ponctuer le bol, relier la courge à l’arbre et à l’automne que nous quittons pour aller vers noël. Un sombre trait d’une magnifique huile de sésame noir (sans doute japonaise) torréfie le plat, lui donne quelques instants force et épaisseur. C’est peut être l’annonce du plat qui vient ?
Poulet rôti au beurre salé au raisins secs, gingembre, coriandre, shizo.
(accompagné de feuilles de mâche nantaise) : Le poulet ne semble assaisonné que par le beurre salé de Bordier qui l’a doucement rôti, je pensais jusque là qu’un poulet rôti se devait d’être concentré, salé, poussé dans ses retranchements. Ce soir, celui que j’ai mangé était si doux qu’il m’a fait ressentir ce qui le constituait, sa nourriture à lui. Un gout d’amande fraîche, de mais doux, de céréale, une suave chair couleur ivoire. Un poulet nu, lui aussi. Sa délicieuse peau grillée ne le protège plus, elle même est douce. Les raisins secs se chargent du confit et de la concentration, ils ont la couleur d’une peau flétrie par le temps mais gorgée de sucs. La fraicheur et la nervosité du shiso ramènent le plat vers le végétal en train de croitre. Une mâche nantaise grasse et douce attend dans un bol aux cotés de l’assiette. Ces herbes, ces graines de poivres, de coriandre ou les pignons de pains que nous mangeons nous rapprochent de cette volaille par son alimentation même.
Macaron au beurre salé et noisettes au sabayon au Marsala.
Sur une petite assiette, un petit macaron dodu et un verre de sabayon. Par quoi, par qui commencer ? Boire ou manger ? Un Croc dans le macaron, la noisette et le beure s’amusent ensemble dans nos bouches. Une gorgée de Sabayon, une écume insaisissable. Le dessert est terriblement précis et maitrisé, il est jouissif et régressif. Le Marsala empli de soleil y chahute avec l’œuf. L’écume du sabayon semble ne demander qu’un peu de chaleur pour devenir macaron. Un macaron si jeune et spontané qu’il ne demande qu’à régresser en plongeant dans tiédeur mousseuse et sucré du sabayon. Le lait, l’œuf, le beurre et la noisette nous rappellent à notre enfance.
L’Ermitage 2004 de Chapoutier (le Carillon) fort, net élégant et complexe était à l’unisson du repas.
Dans ce restaurant de poche et de céramique, grand comme le ventre de la baleine nous avons mangé un beau repas singulier.
François Simon, cuisinier éphémère, vous nous avez offert un repas transparent plein de netteté et de convictions. Quoi de plus logique que d’être si limpide quand on est l’homme invisible. Vous avez eu le courage de vous exposer (sans s’exhiber). Cuisiner, c’est montrer ses sentiments, partager son rapport au monde. Le votre semble élémentaire et presque généalogique (au sens où chaque aliment livre son origine et ses affinités électives). La simplicité porte en elle les complexités du monde. La tradition envisagée dans sa douceur mais sans lourdeur. Le trait d’ailleurs qui nous rappelle l’urgence de vivre intelligemment sur cette planète qui rétrécit. Merci à vous.
Merci au Fooding, d’avoir organisé cette belle soirée, et à tous ceux qui y ont contribué.